pdl

Critiques de livres


Roger FOULON
L'homme à la tête étoilée
Luce Wilquin éd.
1995
224 p.

Chronique d'un fou

L’homme à la tête étoilée de Roger Foulon relate la biographie, en partie imaginaire, d'un person­nage réel. Roman teinté de régionalisme et de psychologie, aux confins du thriller quant au sujet, mais traité avec la bonhomie d'une chronique. Libérât est un enfant du pays des collines. Adolescent perturbé, ma­ladif, puis engagé dans la terrible guerre de 14-18 où, à la suite d'une blessure à la tête, il perd irrémédiablement la raison et se prend dorénavant pour Dieu, excusez du peu. Entre l'idiot du village, le visionnaire et le paranoïaque. Sa folie s'achèvera bruta­lement dans cette autre folie meurtrière que fut la seconde guerre mondiale. Ni victime à part entière, ni prédateur, Libérât est un personnage qui ne manque pas de pathétique mais qui pêche peut-être par insuffi­sance de contours. Les mécanismes de son aliénation restent obscurs et si ses erre­ments, certes, piquent la curiosité — font même parfois sourire — ils ne suffisent pas à former une trame suffisamment serrée et significative pour camper une figure capti­vante. Le tragique d'un tel destin, souvent pressenti, s'étiole en surface. Encore que le pouvoir d'évocation aurait pu naître sous un regard purement clinique : Libérât, psy­chopathe rêveur, aurait alors rejoint le rang des personnages de roman noir. Or jamais l'angoisse du bizarre n'alerte le lecteur. L'auteur s'est-il interdit d'en tirer davan­tage, de peur de trahir la mémoire d'un homme qui a réellement vécu ? A glaner mollement dans trop de registres à la fois sans en adopter aucun, ce roman perd en acuité. On n'en oubliera pas pour autant quelques pages quasi hallucinées sur la guerre des tranchées ou encore le récit aux relents amers d'un voyage avorté vers un impossible royaume.

Dominique Crahay