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Critiques de livres


Yun Sun Limet
Amsterdam
Paris
Éd. de l'Olivier
2006

Amour toujours
par Michel Zumkir
Le Carnet et les Instants n° 141

Les Candidats, le premier roman de Yun Sun Limet s'était révélé une des bonnes surprises de l'année littéraire 2004 et avait été récompensé par le Prix de la Première œuvre de la Communauté française de Belgique. Aussi attendait-on avec impatience son deuxième opus. On doit avouer d'emblée qu'on est un peu déçu (des cent douze premières pages, plus précisément), de cette déception que l'on éprouve souvent à la lecture des deuxièmes romans (cela s'avère vrai aussi pour les disques, les films…). Régulièrement, on les trouve inhabité, laborieux. Celui de Yun Sun Limet n'échappe pas à la tendance. Ses intentions étaient louables : écrire un roman américain à la française; mais c'est comme si elle était restée en dehors de son projet. Narrativement moins risqué et moins ambitieux que Les Candidats qui multipliait les voix narratives, Amsterdam est mené par un seul narrateur, un professeur de musique ardennais qui, découvert dans un club où il se produisait pour la xième fois, se voit proposer de faire carrière aux USA. Le rêve américain. Le rêve brisé. Il partira donc, fera même un tube, avant de retourner à l'anonymat et de rechanter dans un petit club. D'Amsterdam cette fois (une petite ville des Etats-Unis). Pour cette carrière, il a laissé derrière lui une fille qu'il aimait et qui l'aimait, une fille plus jeune que lui, aux rêves différents du sien, qui n'a pas voulu le suivre. Plusieurs fois, il aura l'occasion de retraverser l'océan, plusieurs fois, il ne le fera pas pour des raisons qui ne furent pas toujours bonnes.

Ce qui manque par-dessus tout dans ce roman, c'est l'art de dire la musique (et l'univers musical). Nombre d'écrivains s'y sont déjà cassé les dents, Françoise Mallet-Joris par exemple avec Dickie Roi, qui reste peut-être son roman le plus raté. Jamais l'écriture de Yun Sun Limet ne porte la musique, n'approche de son secret ni de celui du musicien (et encore moins quand elle décrit Brel chantant… Amsterdam (!) à l'Olympia, une description qui vient ponctuer à plusieurs reprises le roman). Yun Sun Limet n'est ni Virginie Despentes ni Christian Gailly ni Jean Echenoz, et encore moins Jean Jacques Schuhl rappelant les prestations scéniques d'Ingrid Caven. Mais on retrouve l'écrivaine telle qu'on l'aime (du côté d'Anne Gavalda et d'Ariane Lefort) à partir de l'instant où le musicien narrateur pose le pied sur le bateau qui le ramène vers l'Europe, vers la femme qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Vers la mort qui s'installe en lui, à son insu. Le talent de Yun Sun Limet est d'arriver à scruter les êtres au plus près de leurs failles, quand la mort est là, prégnante, qu'elle les sépare et unit les êtres à tout jamais plutôt que dans un roman qui se passe trop loin d'elle, dans des contrées qui ne l'habitent pas, qui n'habitent pas son écriture en tous cas : la musique et le rêve américain.