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Critiques de livres


Thomas PION et NASTASIA
L'ogre des toilettes
La Renaissance du Livre
2002
29 p.

Les monstres ne sont plus ce qu'ils étaient

Comment expliquer l'extraordinaire succès que la littérature pour la jeu­nesse obtient auprès des adultes ? Ou le phénomène de ces éternels enfants du deuxième ou du troisième âge, qui, se cachant à peine dans les rayons des meilleures librai­ries, dévorent l'un après l'autre les albums destinés aux plus jeunes, à peine gênés par la marmaille infernale qui les tire par la manche pour rentrer à la maison parce que cet après-midi sur une chaîne de télé improbable, on passe une rétrospective sur Audrey Hepburn ? Pour moi, une large partie de l'intérêt que nous portons aux livres pour la jeunesse tient à ce qu'ils sont remplis de monstres divers, d'êtres visqueux, à poils ou à plumes, à trompe ou à chapeau velu, et j'affirme même qu'il n'y a rien de tel, pour se sentir vivre, que de troquer la compagnie d'un énorme cafard contre celle d'une de ces créatures difformes. Or, les monstres ont changé, ils ont pris la tangente, sont devenus humains (trop hu­mains ?). Lisez L'ogre des toilettes, une his­toire de Nastasia illustrée par Thomas Pion : un homme solitaire, au départ peu enga­geant, et qui préfère sacrifier son dîner — le jeune Arthur et son ours Dayen — à la pers­pective d'une amitié, mérite-t-il vraiment le nom d'Ogre ?


Thomas PION
La chasse au monstre
La Renaissance du Livre
2002
32 p.

Demandez-vous qui, dans La chasse au monstre, écrit et illustré par Tho­mas Pion, est le plus inhumain, de Bernard le chasseur ou d'Igor le monstre. Lorsqu'ils partent tous deux à la recherche de l'autre pour débarrasser la forêt de sa funeste pré­sence, c'est accompagné d'un filet à papillon pour Bernard, ou d'une bien mauvaise dent pour Igor. Inoffensifs, ils sont prêts à se ren­contrer pour l'amitié. Les illustrations elles-mêmes rendent les traits de ces difformes harmonieux, les dents gâtées de l'Ogre émouvantes, le long et large nez d'Igor une piste d'atterrissage pour des tapes amicales. Le seul vrai monstre, chez Thomas Pion, c'est le boucher de Capadoce qui, lorsque trois pe­tits enfants se présentent à sa porte, les égorge pour en faire de délicieux petits salés. Et le plus humain sera l'animal, l'âne des trois en­fants, qui avec courage et dévouement ira chercher de l'aide, et trouvera le célèbre évêque Nicolas, connu pour ses bienfaits et miracles. Celui-ci ressuscitera d'ailleurs les marmots en les faisant sortir vifs et braillants du saloir. On l'aura compris, ce dont il s'agit ici, c'est de la véritable histoire de saint Nicolas, racontée et illustrée par le même auteur. L'ouvrage est ac­compagné d'une note historique sur saint Ni­colas où l'on apprend les nombreuses protec­tions qu'il accorde généreusement. Tout le monde peut donc y trouver son bonheur, et moi continuer à mettre mes chaussettes en dessous des cheminées, en espérant recevoir un de ces livres pour enfants grouillant de mons­tres visqueux, à plume ou à chapeau velu.

 Noël Lebrun

Thomas PION, La véritable histoire de saint Nico­las, La Renaissance du Livre, 2002, 40 p.