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Critiques de livres


Daniel ADAM
Lucid Casual
Le Hêtre Pourpre
2001
121 p.

Parfums d'enfances

Avec Lucid Casual, publié aux édi­tions Le Hêtre Pourpre, Daniel Adam s'offre une rentrée des classes en fanfare. Souvenirs, souvenirs... La ren­trée et ses gosses qui s'accrochent aux basques de leur mère, ses classes repeintes de frais, ses cours de récré emplies de cris et de chuchotements, c'est pour le J.T. « II flottait dans l'air une odeur mélangée de ve­lours, de cuir neuf, de cheveux mouillés et de profonde désolation. » Lucid Casual a une vision très différente des choses. Sa première journée de classe ne res­semble à aucune autre. D'abord, c'est l'oc­casion pour elle, qui se veut grand reporter, de s'offrir une plongée dans un univers in­connu : l'école. Lucid Casual ne fait pas d'images passe-partout, elle décrit avec son regard d'artiste les choses que personne ne peut déceler en dehors d'elle. Pourquoi William Bodesson a les pieds mouillés, comment Olivia Fayette tombe irrémédia­blement amoureuse de lui. Ce qui produit les feulements indiscrets de Rachid Billan­court. Pour quelles raisons Vladimir Inno­cent aime tant les couleurs. Comment Renata Scanto vit avec le père d'Elvire Viroinval. Pourquoi Rudolph Heinrich est le chouchou de la maîtresse, ce qui ne mène pas nécessairement à la réussite de sa vie. Car Daniel Adam donne un coup de pouce aux visions de Lucid. Non seulement nous voyons cette classe de marmots à l'œuvre sous la houlette de madame Madame, mais nous avons aussi de savoureux descriptifs de leur vie familiale et du destin qui les attend. Ce n'est pas toujours réjouissant, c est même souvent déprimant de voir en un clin d'œil la trajectoire de toute une classe de première primaire lorsqu'on suit les jeunes morveux jusqu'à leur statut de vieux gâteux. Mais la verve de Lucid, son œil décapant, ses inventions et sa voix étrange nous per­mettent de prendre ces raccourcis avec hu­mour.

L'idée est intéressante : partir d'un groupe en situation de crise pour en détailler les personnalités et les décrypter à travers les yeux et les fantasmes d'une petite fille de six ans. L'écriture est tonique, se joue entre descriptions serrées, mots rapportés et his­toires inventées. On se dit par moment que le correcteur de l'éditeur est loin d'être sans faille. Mais on mettra sur le compte des fan­taisies de Lucid les erreurs de langue et les fautes d'orthographe. A déguster d'une trai­te pour s'offrir encore une fois les bonheurs cruels et les parfums d'enfance.

Nicole Widart