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Critiques de livres

Jean-Pierre Minguet
Chemins de l'Ourthe
Photographies de Philippe Blondieau
Liège
Éd. du Perron
2006
143 p.

Au fil de l'eau, des mots, des images
par Jeannine Paque
Le Carnet et les Instants n° 144

Je croyais la connaître, l'Ourthe, cette rivière de mon enfance si proche de ma ville que nous pouvions déjà la rejoindre au cours d'une seule promenade ou la remonter quelque peu grâce à un court trajet en «trolleybus» comme il en existait alors. Des rives attrayantes au pied de ce qui paraissait être des montagnes escarpées aux yeux des petits, avec cependant des sentiers parfaitement accessibles entre les taillis et, en récompense, la baignade, après la pause réglementaire de deux heures qui devait suivre le repas, même un simple pique-nique. Peu profonde aux abords et d'apparence inoffensive, l'Ourthe avait pourtant une réputation douteuse : il fallait se méfier des tourbillons qui pouvaient emporter par le fond ceux qui s'aventuraient dans le courant, dangereux en réalité pour les imprudents qui se hasardaient à naviguer en «périssoire», alors qu'ils ne savaient pas nager. Aujourd'hui, on s'y baigne moins, pollution des eaux oblige, mais les rives sont très accueillantes, propices au rêve et à la promenade puisqu'on peut suivre son cours de très près, des kilomètres durant. C'est à quoi le poète cycliste, Jean-Pierre Minguet, nous invite lorsqu'il évoque à loisir, à plaisir aussi, ces Chemins de l'Ourthe qu'il connaît si bien, dans son dernier livre.

Comme il l'avait fait pour l'Amblève, en compagnie déjà du photographe Philippe Blondieau, il détaille par le menu le sinueux parcours de la rivière, qui surgit de deux sources et, grosse de leur réunion, traverse l'Ardenne, la Famenne, le Condroz, y plantant des villages de plus en plus importants, pour se fondre enfin dans la Meuse à Liège, qui lui doit, selon notre commentateur, « e bois et les pierres qui ont aidé à la construire». Aussi Minguet fait-il chanter toutes les images qu'il enregistre au rythme de sa «petite reine» à grands renforts de trouvailles métaphoriques plus animistes les unes que les autres. S'il évoque parfois «l'Homme» avec un certain respect, c'est la nature qu'il célèbre en majuscules pittoresques : la rivière butine, caresse, griffe, s'effarouche, batifole, chérit, s'empare, se démène, s'élance, arrache, frémit, se faufile, se camoufle, s'affole, tandis que ses parois tantôt lisses tantôt déchiquetées la toisent, la courtisent, l'étreignent, la happent, se vengent, que sais-je encore… La photo est sagement descriptive, mais le texte frétille et, sans craindre le néologisme, «papille». L'enthousiasme en tout cas est communicatif et l'album lourd de belles images et d'émotions.