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Critiques de livres

Antonio Moyano
Château en bord de Meuse
Liège
Le Fram
2008
80 p.

Château et maison
par Jack Keguenne
Le Carnet et les Instants n° 152

Antonio Moyano utilise le poème comme une narration; il ne tente pas d'y cristalliser une impression, il choisit d'y raconter des pans de vie qui retiennent son attention et de laisser le lecteur distiller les émotions que l'histoire suscite. Comme pour tout auteur, sa référence et sa matière première résident dans son vécu. Le poème ne se donne pas comme un cri, mais se propose comme une passerelle, voire comme une monnaie d'échange : voici ce que je suis, ce que j'ai vu, ce que je décide de raconter, est-ce que cela nous permettra de trouver un accord, de nous rencontrer? Il y a une amicale main tendue vers le lecteur dans ce qui ne relève pas de la confession mais s'avance parfois très loin dans l'intimité.

Château en bord de Meuse s'enracine dans l'enfance et se poursuit (certaines évocations l'indiquent) jusqu'à une époque récente. On y trouve les jeux d'un fils d'immigrés avec un enfant bourgeois, les hésitations d'une scolarité, l'enracinement en cette terre étrangère et puis les amours qui deviendront affirmativement homosexuelles.

Véronique Janzyk
La maison
Liège
Le Fram
2008
116 p.

Ce qui surprend ici, c'est cette qualité à trouver un écho à une anecdote, à un mince événement, et à lui donner une résonance juste des années, voire des décennies plus tard, non pas par un effet de la mémoire, mais par la reconnaissance que ce fait a été constitutif de celui qui peut aujourd'hui le formuler en poèmes. Moyano exprime l'être qui se faufile et grandit entre petits accidents et petits abandons, entre replis et oublis. Il sait que l'élégance se construit de misères affichées et de splendeurs secrètes, qu'un instant peut être déterminant pour un destin, et que le désordre du monde offre une suite à l'histoire qui n'a pas besoin de morale.

J'aimerais bien habiter dans La maison de Véronique Janzyk. Pas pour y jouer les intrus ou les encombrants, mais pour vérifier les problèmes posés par les tuyauteries ou le jour entre les tuiles, pour écouter les voisins se disputer ou pour mesurer combien elle peut servir de cocon. Car cette maison, Janzyk l'investit à coup de petits textes à la fois cocasses et précis. Elle dit ce qu'elle y trouve, ce qu'elle veut y mettre et ce que cela lui demande comme travail. La maison est sa base et son lieu de repli; elle s'y étire et s'y terre. Elle y lave les vitres et y craint les araignées. Mais, avant cela, il a bien fallu la trouver, cette maison, et l'aménager – autant dire trouver divers corps de métier, se battre contre la poussière ou protéger le mobilier. Il y a une intimité et une socialité de la maison, une fragilité et une solidité de cette adresse connue, mais, pour qui l'habite, il y a aussi, souvent, une envie de la quitter, sinon de l'abandonner, car elle ne vaut pas les efforts déployés pour son entretien ou sa pérennité. Véronique Janzyk a cette impertinente drôlerie de nous dire la fragilité des briques et la solidité des fenêtres dans son observation du monde. Et de continuer à vivre en dépit des périls. D'écrire sa manière d'apprendre à habiter.

L'un erre, l'autre rénove; tous deux sont à rencontrer.