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Critiques de livres


Pierre PUTTEMANS
Olla vogala
avec un dessin d'Anne Garnier
Atelier de l'Agneau
1998
74 p.

Des goûts et des odeurs

On ne présente plus Pierre Puttemans, cadet des Sept types en or, franc-tireur du groupe Phantomas, architecte né en 1933, et représentant-qui-s'en-défend, par sa dérision et sa technique du collage littéraire, du surréalisme à la ma­nière belge. Poète à temps plein depuis I960, discret voire secret, Pierre Puttemans nage à contre-courant des modes poétiques et célèbre dans ses poèmes le mariage de la délicatesse et de la tonitruance. Le titre du présent recueil, Olla vogala, ren­voie aux premiers vers de la poésie flamande des origines, et sa dédicace, à cinq poètes amis (Jacqmin, Kœnig, Bourgoignie et les frères Piqueray). Dans ce petit livre, judi­cieusement sous-titré contes et légendes, Pierre Puttemans fait cohabiter poèmes en vers, proses poétiques et courtes narrations. L'al­ternance fait découvrir pêle-mêle le poète dé­sinvolte et cultivé, le ciseleur d'admirables poèmes en prose dans la tradition onirique de Max Jacob ou de Marcel Lecomte et un prosateur au classicisme narquois. Pierre Puttemans semble penser qu'on peut rire de tout, mais pas avec n'importe quels mots. Ainsi parvient-il à être cru sans vulgarité et raffiné sans maniérisme. Ici, aucun sujet n'est indigne de sa poésie, ni la défécation d'un stylite (« Contribution à l'histoire des ordres grecs »), ni la gadoue (« Au cœur des soues »), ni l'anticipation (« Napoléon sur la butte, ou les malheurs de Bastien »), ni même la fin des temps du verbe. Puttemans donne l'impression de ne prendre vraiment au sérieux que la grammaire.


Pierre PUTTEMANS
Tchizes
illustrations de Laura Variez
Atelier de l'Agneau
2001
60 p.

L'humour, la référence, la trace d'autres poèmes sont chez Pierre Puttemans des marques de fabrication. Et le lecteur évolue dans ce livre tel un voyageur perplexe égaré en Utopie, mis en méfiance par les clins d'œil ironiques de son guide et ne sachant plus trop s'il est secoué de rire ou de fris­sons. Et c'est ce voyage inconfortable entre des contrées revisitées par la fiction, l'His­toire dérisoire des hommes dans leur misé­rable condition, et l'hiver infini, qui tisse la trame anachronique d'Olla vogala. Le même éditeur a publié entre-temps un autre petit livre du même auteur dans sa collection Malice : le tout récent Tchizes — prononcez cheese — a, comme son titre l'in­dique, le projet de susciter des sourires fromagers. En une cinquantaine de quatrains, Pierre Puttemans tire le portrait de ses fro­mages de prédilection. Et on sourit beau­coup en découvrant un régal de bons mots émaillant ce plateau. Tchizes donne envie d'être resservi d'un peu de tout. Emoi des narines et des papilles. Pour un peu, on parlerait de poésie olfactive. Citons pour le goût, pour l'oreille et pour le parfum : « Le pape en habit de lumière / Ayant tâté de l'écrevisse / Soulevé à demi la paupière / Et contemple les petits Suisses » ou encore « Pour que l'on m'aime il faut qu'on serve / Quelques poires sur un plateau / Un chouïa de côtes de veau /Et les deux espèces de Hervé ».

Karel Logist