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Critiques de livres


Paul VANDERBORGHT
Poésie
L'Arbre à Paroles
2001
198 p.

Les charmes de l'exil et de sa nostalgie

Au début des années vingt, Jules Ro­mains puis Biaise Cendrars vinrent à Bruxelles parler de leur expérience poétique, sur l'invitation d'un cercle d'étu­diants de l'Université Libre de Bruxelles. Ces conférences et quelques autres, initiées par Paul Vanderborght, allaient exercer une influence considérable sur plusieurs des jeunes poètes présents. Et c'est pourquoi l'histoire littéraire se souvient de Vander­borght, jeune rassembleur enthousiaste et animateur de la revue La Lanterne sourde, créée alors qu'il était étudiant — revue qui fusionna ensuite avec le Disque vert de Franz Hellens sous le nom d'Ecrits du Nord. Quant au poète Vanderborght, à qui fut pourtant consacré une bonne part de l'an­thologie Les Poètes de la rue des Sols, il est rarement cité et mal connu. Dans un de ses derniers textes, qui date de 1970, « Les Poètes oubliés », Vanderborght évoque avec une tendre amertume : « Les poètes s'en vont avec les hirondelles / quand vient le vent d'hiver […] Faites leur connaissance ou reli­sez leurs vers ». Acceptons cette proposition puisque comme le note aujourd'hui son préfacier, entre le poète et son lecteur, quelque chose est toujours possible. Après 1923 et un passage au journal Le Soir, Vanderborght reprend ses études puis se consacrera à l'enseignement. Il publiera peu ; son dernier recueil date de 1938. Ses amis René Purnal, Robert Goffin, Ernst Moerman ou Odilon-Jean Périer poursui­vront avec des bonheurs divers l'aventure littéraire.

Le premier recueil repris ici est La Joie dou­loureuse, écrit à 21 ans, à la fois marqué par l'unanimisme et habité de thèmes antiques.

Le poète se cherche encore. S'il chante tour à tour la machine et les faunes, il n'ignore pas que « Sur la place, un petit cirque, / bombé comme une tortue, / dédie à la lune rousse / Le sourire de ses clowns... » En 1923, il publie ses Images du Rallye, petite prose en trois chants — illustrée de dessins de James Ensor. Il y évoque avec drôlerie les heures heureuses de l'amitié et de la jeu­nesse, mais aussi l'esprit de liberté qui souf­flait à Bruxelles au sortir de la guerre. On peut regretter que ce recueil ne soit présent ici que par des extraits. En mission en Egypte à partir de 1925, Vanderborght poursuit son œuvre, publie Messageries d'Orient, poèmes dans lesquels il exprime en vers libres son dépaysement. Plaine, puis Hellade, marqueront le retour à la rime et à l'alexandrin et contiennent de beaux poèmes qui disent la rencontre avec le monde musulman. De la courbe qui mena le vers-libriste élégiaque au néoclas­sique nostalgique, Vanderborght s'expli­quera dans l'essai Notes sur la technique. Parmi les inédits réunis ici, se trouvent de remarquables poèmes en proses au contenu volontiers mythologique, ainsi que des hommages à Django Reinhardt et à Ella Fitzgerald. Signalons enfin la précieuse lec­ture d'André Doms, qui par ses commen­taires sur la biographie et l'œuvre nous in­vite à rendre justice à ce pêcheur d'images, exilé dans l'oubli par le siècle pressé dont il avait chanté la jeunesse.

Karel Logist