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Critiques de livres

Grégoire Polet
Leurs vies éclatantes
Paris
Gallimard
2007
469 p.

Paris s'éveille
par Thierry Detienne
Le Carnet et les Instants n° 148

Grégoire Polet est sans nul doute une des révélations littéraires belges francophones de ce début de XXIe siècle. Il s'est fait connaître avec Madrid ne dort pas, paru en 2005, qui avait surpris par le rythme vif du récit, les transitions rapides et coulées entre les scènes. Avec Excusez les fautes du copiste (2006), il avait suivi de bout en bout la vie d'un faussaire d'œuvres d'art bruxellois. Leurs vies éclatantes prennent une troisième capitale européenne, Paris, pour point d'ancrage. Dès les premières lignes, on ne peut s'empêcher de songer à l'exercice madrilène. Ici encore, une ville est choisie qui impose sa personnalité et le récit fourmille de détails relatifs aux monuments de la ville, aux mille et une choses qui peuvent frapper l'esprit de l'observateur attentif. Mais le rapport au temps est sensiblement différent dans la mesure où le récit s'étale sur une petite semaine alors qu'il couvrait une seule nuit dans le premier livre. Le rythme s'en trouve ralenti et plus varié. Grégoire Polet prend le temps de suivre ses personnages pour mieux en démonter la mécanique profonde. Deux événements majeurs mettent ici les protagonistes à l'épreuve. Tout d'abord le décès d'un médecin à la retraite, qui rassemble ses proches autour du corps jusqu'à son enterrement. L'émotion liée à sa disparition révèle les liens, suspend le temps de la vie trépidante, suscite des convoitises, éclaire les vieilles querelles, impose à chacun de se positionner face aux conventions sociales. En marge de ce décès, les préparatifs d'un mariage qui n'aura finalement pas lieu. Alors qu'elle traite des derniers détails d'une cérémonie qu'elle voulait fastueuse, une jeune femme décide de rompre et envoie tout promener. Entre ces deux faits, des liens se tissent et se dénouent : une jeune photographe quitte Paris pour Rome, une bourse prestigieuse en poche. Des jeunes gens passent des examens universitaires face à un professeur d'histoire de l'art, une jeune virtuose donne un premier concert sur les Champs-Élysées. Paris brille de ses incontournables mondanités, l'argent coule souvent à flots. Au-delà de la composante humaine et relationnelle, en arrière-fond de ce kaléidoscope, on remarquera que tous les domaines artistiques sont approchés. En fait, créateurs, interprètes, galeristes, producteurs et historiens de l'art sont tous confrontés à la terrible question de l'authenticité et y répondent à leur manière, comme le copiste du roman précédent. Les personnages de Grégoire Polet nous ouvrent grand leur jeu et se fraient un chemin dans la cohue des villes, au gré de leurs élans et du hasard, pour notre plus grand plaisir. Quelle sera la prochaine destination?