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Critiques de livres


Nadine MONFILS
Rouge fou
Flammarion
1997
156 p.

Contes cruels

Décidément, sur le plan belge, ce sont les « auteures » (comme les pedzouilles disent) qui nous repré­sentent, non sans brio, dans la célèbre Série noire : et la coruscante Pascale Fonteneau, et la décoiffante Nadine Monfils. Il y a deux ans, avec Une petite douceur meurtrière, cette dernière nous enfonça dans des zones hyperglauques dont on ne sortait pas indemne. En exergue, cette citation de Rainer Maria Rilke aurait pourtant dû nous mettre la puce à l'oreille : « Que vaudrait la douceur si elle n'était capable, tendre et inef­fable, de nous faire peur ? Elle surpasse telle­ment toute la violence que, lorsqu'elle s'élance, nul ne se défend. » Ce polar bizarroïde, mâ­tiné de conte grand-guignolesque, avait tout pour plaire, avec son ambiance « disjonctée », faisant flirter le cauchemar avec le rêve humide.


Nadine MONFILS
Une petite douceur meurtrière
Gallimard
Série noire n° 2382
1995
213 p.

Nul ne saura jamais si l'énigmatique dépeceur montois l'a lu ou non, toujours est-il qu'il aurait pu retrouver dans ces pages de quoi alimenter ses fantasmes les plus délirants. C'est restant sur cette ex­cellente impression (mais oui) que l'on n'hésite donc pas trop à se hasarder dans Rouge fou, un petit roman qui paraît de la même succube chez Flammarion. Il était une fois un petit Chaperon Rouge, répondant au nom de Sanguine, qui, déçue du piteux quotidien de son couple qui bat de l'aile, opte pour le décollement de la rou­tine et s'envole en quête d'une existence plus exaltante que cette petite mort douce entre la télé et fer à repasser. Conjurant son léger vague à l'âme par des errances dans Paris, la grande forêt des loups, elle attache ses pas, comme aimantée, à ceux d'un indi­vidu inquiétant, au regard aussi profond que les ténèbres, vêtu d'un long manteau noir et excentriquement chaussé de rouge. Dans la rue Croix-des-Petits-Champs s'ouvre une galerie, le passage Véro-Dodat, où se tapit la boutique d'un marchand d'antiques poupées de porcelaine, dans laquelle pénètre l'homme étrange et, à sa suite, l'innocent oi­seau pour le chat. Prétendant être la réincar­nation de Charles Perrault, le bougre embo­bine la candide avec des histoires cousues de fil blanc, lui proposant de lui livrer un ter­rible secret à condition qu'elle accepte d'ab­solument tout lui donner d'elle, tant son corps fluet que son âme chavirée. La curio­sité (un bien vilain défaut) l'emportant sur la trouille, Sanguine se prête aux jeux du mythomane, préférant à la morne réalité le rêve, fût-il dévorant comme le sont les ogres. Téméraire, la jeune femme en mal de sensations fortes se résoud à retourner souventes fois dans la boutique, qui tient da­vantage de l'officine d'un sorcier, fermement décidée à en savoir plus long sur ce pervers mentor et sa révélation de polichi­nelle. Même si les dangers auxquels s'expo­sera l'inconsciente héroïne purent laisser présager une issue dramatiquement crous­tillante, le conte se dénoue comme une bluette, l'amour foufou venant tout arranger avec un nez de clown. Bref, ça ne laisse pas un souvenir impérissable...

André Stas