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Critiques de livres


Colette NYS-MAZURE
Françoise LISON-LEROY
Montse GISBERT
Je n'ai jamais dit à personne que
éd. Esperluète
2001
26 p.

L'amour descend

Depuis Célébration du quotidien, nombreux sont ceux qui savent que Colette Nys-Mazure s'attache à dé­velopper une philosophie qui ne donne pas dans les grandes théories mais scrute chacun de nos comportements, nos gestes ou nos travers, pour apprendre à éviter ce qui pour­rait blesser et cherche à cultiver ces attitudes qui, à la fois, aident l'autre et nous grandis­sent. Dans ce livre, on s'en souvient, elle pensait les choses à partir de la cuisine de la maison familiale cependant que son amie de toujours agonisait sur un lit d'hôpital. Il ne s'agissait pas d'opposer deux situations mais de chercher à les harmoniser, de rappeler que l'une et l'autre coexistaient, que le tra­gique et le banal s'imposent durant les mêmes journées. La vie a des soubresauts, des prolongements qui nous échappent mais qu'il s'agit de préparer au mieux. Secrète présence s'inscrit précisément à la suite de ces réflexions intimes. Ce qui se trouve rassemblé dans ce livre ne relève plus seulement de la méditation personnelle mais a été collationné parmi les réactions d'un monde que l'auteur a approché.


Colette NYS-MAZURE
Secrète présence
Desclée de Brouwer
2001
216 p.

Etat d'âme d'un petit enfant, rencontre dans un train, dialogue avec un lecteur — tout est prétexte à réflexion en ceci que, tôt ou tard, elle s'aperçoit qu'une phrase eût pu être mieux dite, un geste plus élégamment posé pour veiller à bâtir une vie enrichissante ou simplement mieux respecter l'autre. S'agit-il d'une morale ? Je ne crois pas, ce serait plu­tôt une éthique de l'attention ou, pour le dire plus simplement, une invitation à prendre le pli de quelques bonnes habi­tudes. Le ton, d'ailleurs, n'est pas contrai­gnant ; il signale, il distille les remarques sans aucun reproche. Colette Nys-Mazure ne rejette jamais la faute sur les autres, elle s'inclut et dit « nous ». Elle pointe du doigt ce qui paraît si simple en apparence mais sur lequel nous trébuchons régulièrement. Le livre chemine, au fil de rêves, de poèmes, de notes, de souvenirs et de développe­ments, autant de composantes dont nous sommes faits et qui, tour à tour, nous libè­rent ou nous contraignent dans nos rap­ports avec les autres. La poésie n'est pas qu'une forme littéraire, elle irrigue au plus profond une manière de vivre dans laquelle il s'agit d'être attentif mais sans déranger, de ne pas dramatiser et de trouver le juste équilibre entre « la digue de l'ordre et le désordre de la vie ». On aura compris qu'il ne s'agit pas d'un livre à dévorer mais dont il faut plutôt s'imprégner, texte après texte, par morceaux, à la rencontre de cette secrète présence qui nous habite et que nous possé­dons en partage avec les autres humains. Colette Nys-Mazure a raison de rappeler qu'il faut être avant d’être aux autres, et de noter que « l'amour descend » dans la me­sure où il s'exprime à l'égard de quelqu'un qu'on veut libre (exerçant cette liberté, l'autre ne pourra pas de la même manière faire remonter cet amour). Il faut noter tou­tefois qu'elle se laisse avec enthousiasme en­vahir par la famille au point que, dans cette attention aux proches parents, on finit par se demander, à la fois, quelle part est réser­vée à l'écoute du reste du monde et quel soin accorder à soi-même. Secrète présence mérite d'être lu mais Colette Nys-Mazure cultive une forme d'abnégation qui fragilise les fondations de ce qu'elle élabore. Signalons encore que Colette Nys-Mazure, que l'on sait polygraphe, publie en même temps Je n'ai jamais dit à personne que, un adorable livre pour enfants qu'elle a écrit en collaboration avec Françoise Lison-Leroy et des dessins de Montse Gisbert et qui a été réalisé avec soin par les Editions Esperluète.

Jack Keguenne