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Pour un tel inventaire Il faudrait un Prévert

On se doutait bien que ce petit livre, préfacé par Raoul Vaneigem, n'était pas à mettre entre toutes les mains. On y recommande les vertus érotiques de la chandelle d'Arras ; on y découvre les conseils qu'un époux, Magritte, prodigue à l'amant de sa femme Georgette pour faire jouir celle-ci ; on y soupçonne les scandaleuses érections de bourreaux maniant la guillotine ; on y cé­lèbre les masturbations de quelque émule de Manneken-Pis ; on y vilipende le travail («Toujou couri / pour gagner vie / quand bien couru / vie l'est foutue», déplorait Topor, membre de l'Académie de Montbliart) pour célébrer les vertus subversives de la paresse (le Gaston de Franquin) ; on y rap­pelle joyeusement que les Hurlus joueurs de fouteballe de Mouscron furent jadis des ico­noclastes massacreurs de curés ; on n'y dissi­mule pas ses sympathies pour les héré­siarques de tout poil et les auteurs de fabliaux anticléricaux ; on y vante même Charleroi (« II vaut mieux être à Charleroi avec l'être qu'on aime qu'à Venise avec celui qui vous ennuie» — Françoise Dorin, eh oui !).

Le petit livre flâneur de Robert Desessarts dont ne sait rien, sinon qu'il entretient avec son préfacier des affinités électives : viticul­teur discret installé sur notre frontière lin­guistique ? lointain descendant un tantinet honteux, jusqu’à camoufler son patronyme, d'une dynastie carolo de magnats de la presse ? emprunte parfois, hors de ses haltes obligées aux monuments (Chavée, Commynes, Destrée, Froissart, de Ligne, Moreau, Plisnier, Scutenaire, Vaneigem), des raccourcis un peu raides : Chavée accusé de stalinisme, Vandromme soupçonné d'idées fascisantes (n'est-ce pas avoir mal lu la cita­tion qu'on lui attribue, et qui condamne Céline ?), Elskamp chichement traité, un jé­suite missionnaire du XVIIIe récompensé pour sa grammaire huronne (mais dans quelle trappe ont disparu Pierre Ruelle et Marc Wilmet?)...

Il n'empêche, la promenade est riche, même si l'on regrette que les balises ça et là nous égarent : quand des renvois de l'index sont inexacts, quand Anacharsis Cloots, l'orateur du genre humain, est rebaptisé Anarchis par un lapsus révélateur ! Ainsi on apprend qu'Eric Losfeld, le sulfureux éditeur du Terrain vague, est né à Mouscron ; on croise Dostoïevski à Erquelinnes ; on goûte fort un poème du méconnu Fernand Dumont ; on applaudit que Léopold II soit qualifié de massacreur du Congo ; enfin on sourit de ce qu'une feuille satirique montoise se soit intitulée El batia mort sou à lire : Le bateau ivre.

Pol Charles

Joël GOFFIN, Sur le pas des écrivains de Bruges à Damme, Les Editions de l'Octo­gone, 1999, 144 p.

Christian LIBENS et Claude RAUCY, Sur les pas des écrivains en Ardenne, Les Editions de l'Octo­gone, 1999, 144 p.

Michel VOITURIER, Sur les pas des écrivains de l'Escaut, Les Editions de l'Octo­gone, 1999, 144 p.

Robert DESESSARTS, Sur les pas des écrivains en Hainaut, Les Editions de l'Octo­gone, 1999.