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Critiques de livres


Sarah BERTI
Un amour...
Éditions Mois
Bierges
2001
173 p.

L'amour est simple

« A quoi bon être méchant, écrivait André Bâillon. On fait déjà tant de mal sans le vouloir. » Les personnages de Un amour..., premier roman de Sarah Berti, semblent obéir à cette triste constatation : aucun d'entre eux n'est méchant, mais, à une (radieuse) excep­tion près, ils ne peuvent s'empêcher de faire souffrir les autres. Même l'escroc, person­nage secondaire qui fait le mal de son plein gré, est gentil et poli. Quant à Matti, prin­cipal protagoniste masculin du récit, il sait qu'il devrait rendre à Célia tout l'amour qu'elle lui donne. Mais voilà, c'est plus fort que lui, il cherche toujours la femme de sa vie et croit la reconnaître dans la personne de Nina, la belle étrangère qui débarque dans leur très petite ville de province écra­sée par la chaleur d'été. Une grande douceur nuance cette peinture des douleurs amoureuses : Sarah Berti semble aimer ses personnages. Et si ceux-ci ne sont pas méchants, c'est qu'ils sont les jouets d'une sorte de fatalité — que dé­nonce dans le texte une phrase répétée à plusieurs reprises : « C'est comme ça. » Clélia, Nina ou le père de Matti devinent ins­tantanément les ressorts cachés des événe­ments, comme s'ils étaient déjà écrits. Matti se montre quant à lui incapable de lire la réalité. Mais il n'a pas appris à le faire : contrairement aux autres, il n'a jamais souf­fert, lui qui a toujours été aimé. Cette douceur et ce fatalisme se traduisent, au niveau littéraire, par une écriture simple et dépouillée, sans aspérités. Les phrases sont courtes, blanches, souvent nominales, écrites au présent. Les paragraphes, très brefs, passent abruptement d'un personnage à un autre. Et, à part l'escroc, tous les protagonistes sont désignés par leur prénom. Ainsi, rien ne peut les détourner de leur destin sinueux. Pour souligner encore l'évi­dence du parcours de chacun, Sarah Berti utilise de nombreux démonstratifs et n'hé­site pas devant les répétitions de mots ou de morphèmes : « Mais tu es fort. Tu es forcé­ment fort. »

Ainsi, se dessine une certaine vision de l'amour : celui-ci s'impose aux êtres avec simplicité, sans phrase, sans profondeur autre que lui-même, mais il se cogne parfois à la réalité et provoque alors la souffrance. La fin du roman, à travers deux affirma­tions contradictoires, refuse de trancher quant à la nature finale du lien amoureux : « C'est triste un amour », dit la dernière phrase de l'avant-dernier paragraphe. Et « C'est si beau, un amour », clôt le livre. Douceur, simplicité, souffrance, fatalité, évidence : tels sont les mots d'ordre de ce récit. On pourrait souligner que Sarah Berti, en jeune romancière (elle est née en 1974), écrit encore sous influence (Margue­rite Duras), mais l'on préférera insister sur la grande cohérence et la lisibilité de ce pre­mier roman prometteur.

Laurent Demoulin