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Critiques de livres


Marie-Claire VERDURE
Un brouillard d’oiseaux
éditions L'Arbre à Paroles
2001
12 p.

Cueillis sur l'arbre

L’Arbre à Paroles continue avec la tou­jours même ardeur à défendre les poètes et à produire des recueils aux inspirations les plus diverses. Cet éclectisme permet à de nouvelles voix de se faire en­tendre, à d'autres de s'imposer peu à peu et accompagne avec fidélité le parcours de quelques auteurs. Les quatre recueils dont il est question ici illustrent, chacun à sa ma­nière, les facettes de cette politique éditoriale. Marie-Claire Verdure réussit, avec Un brouil­lard d'oiseaux, un superbe petit livre. Certes, le ton général est morbide ou, à tout le moins, désabusé mais l'angoisse comme le désir s'y disent avec une parfaite économie de moyens, sans excès, sans pathos. Ces courts poèmes frappent par leur concision cinglante, sans débordement. Il est manifeste que l'au­teur entretient une relation ambiguë avec les mots ; elle en use dans l'instant mais voudrait s'en débarrasser dans la durée. Aussi ne leur accorde-t-elle que la portion congrue et les réduit-elle à leur plus grande efficacité. On découvre que le lien qui l'unit à son verbe re­lève de la crise de confiance et elle se montre plus libre « à brides abattues / à travers tous les blancs du langage ». L'ivresse dépasse les mots, elle les ramène au rang de témoins sinon d'imposteurs. Je voudrais pouvoir lire un ouvrage de cette densité dans un format un peu plus épais que la douzaine de pages proposée ici.


Caroline COPPE
Embouchures
éditions L'Arbre à Paroles
2001
67 p.

Embouchures est le premier livre de Caro­line Coppé, un recueil structuré en deux parties, l'une plutôt lyrique, primesautière et l'autre plus sèche, syncopée. L'auteure al­terne ainsi les images et les expressions tan­tôt proches de la comptine et tantôt graves. Ici ou là, un vers porte une fulgurance ou une sagesse exprimée de manière cristalline mais, régulièrement, des jeux de mots sans réelle pertinence viennent affadir le texte ou corrompre l'inspiration. Ainsi, certains poèmes suscitent l'enthousiasme du lecteur qui, malheureusement, déchante assez vite car Caroline Coppé ne semble pas toujours y croire elle-même et, à bien y regarder, elle donne le sentiment d'être emportée, de ne pas maîtriser l'expression des événements qu'elle évoque. S'agissant d'un premier livre, je laisserai à l'auteur le bénéfice du doute en attendant une future publication mais ce premier recueil, sans véritable unité, m'apparaît construit de poèmes épars accu­mulés au fil des années. Le vide chevauché de Claude Donnay me laisse perplexe. Le premier poème com­mence ainsi : « Ton histoire ne m'intéresse pas, / sinon pour éclairer la mienne » et le deuxième : « Le malheur des autres sup­plante le nôtre »... Ou bien il y a une subti­lité qui m'a échappé ou bien Donnay peut affirmer, en début de poèmes, dans deux pages qui se suivent, des points de vue contradictoires. Ma lecture ne pourra se poursuivre que marquée par cette dérou­tante entrée en matière et Donnay ne me proposera rien qui puisse me rassurer. Les poèmes prennent tour à tour la forme d'une brève note ou d'une petite histoire, d'une méditation ou d'un aveu. Assurément pour­tant, il y a une sensibilité (voir le poème de la page 21 qui n'est toutefois pas représen­tatif du ton du livre...) mais Donnay ne la canalise pas. Ses meilleurs poèmes sont ceux où le « je » est affirmatif mais, dès lors qu'il évoque « les autres », l'auteur, hors de lui, s'égare.


Alain DUVEAU
Autant que durait le mot
éditions L'Arbre à Paroles
2001
69 p.

Autant que durait le mot d'Alain Duveau est, sans doute, de ces quatre recueils, le plus accompli. L'auteur y joue de quelques images et de leur prolongement ou de leur opposé (le pas, la marche ; l'ombre, la lu­mière ; le mot, le silence...) qui n'ont rien d'interchangeable mais qui s'interpénètrent pour constituer, à chaque fois, un magma convulsif. Chaque poème reprend cette forme et la malaxe, la rétracte et la déploie, en modifie l'imbrication. L'ensemble se présente comme une suite de « toujours autre, toujours même » et on pense à un ka­léidoscope qui, au moindre changement, produit une nouvelle organisation avec les mêmes éléments. Cela tiendrait de la prouesse si certaines formulations trop compactes ne venaient opacifier le propos. Il faut dire aussi que les deux petits recueils qui entourent la partie centrale sont moins convaincants et comme les poèmes, quoi qu'il s'y passe, demeurent repliés sur eux-mêmes, la question finit par se poser : l'au­teur parle-t-il à quelqu'un ou est-il, avant tout, en train de s'écouter ? La question restera ouverte et, après cette lecture — subjective sans doute mais certai­nement insatisfaite —, valable pour chacun des quatre recueils.

Jack Keguenne

Claude DONNAY, Le vide chevauché, aux éditions L'Arbre à Paroles, 2001, 47 p.