Michel DUBUISSON
Lasciva Venus, Petit guide de l'amour latin
Editions Talus d'approche
2000
112 p.
« Des pleines bouches de mots crus » en latin et en bruxellois
Brassens avait mis en garde : « Ils ne savent pas ce qu'ils perdent / Ces fichus calotins / Sans le latin... » Quand nos bons maîtres nous avaient caché que le latin possède une des littératures érotiques les plus polissonnes qui soient, Michel Dubuisson, qui sait son Brassens et son latin (il est professeur à l'ULg), fait la preuve qu'une langue morte n'en est pas pour autant bégueule.
Voici le vocabulaire du sexe en latin classique, savoureusement épingle, sans aucune cuistrerie, dans Martial et les Priapées, recueil dédié au « petit dieu rigide ». Quatre chapitres consacrés successivement aux organes sexuels féminins, aux attributs virils, aux préliminaires, enfin à l'action. Foin des traductions pudibondes (orifice féminin pour cunnus) : Dubuisson donne les siennes dans le même registre que celui de la langue-source : sopio la bite, colei les couilles. Un gai savoir nous apprend que les Romains n'avaient guère l'habitude de faire l'amour tout nus ; qu'ils succombaient parfois aux liaisons dangereuses (illam dicam / je dirai celle-ci / dérapant effrontément vers landicam / le clitoris) ; quirmmare (devinez !) était du goût de Bill Clinton ; que pine vient de l'enfantin pipinna (truc à pipi) et que phallus, méfions-nous des apparences, est emprunté au grec — le mot n'apparaît qu'une seule fois dans un graffiti pompéien, la ville étant par ailleurs à moitié grecque ; qu'à Rome déjà on saluait ironiquement un pédé du majeur érigé ; que, bafouant toute chronologie, la position du missionnaire y était pratiquée ; que des dieux coquins se chargeaient, lors de la nuit de noces, de mettre les maris en train ; que l'hyperbole perfututor glorifiait le superbaiseur, dont Martial s'est sans doute souvenu en des vers qui annoncent la tirade du nez, dans Cyrano de Bergerac : « Ta queue, Papylus, est aussi grande que ton nez ; / Quand tu bandes, tu peux la renifler. »
Georges LEBOUC
Parlez-moi d'amour en bruxellois
Labor
2001
85 p.
Comme pour assurer, d'un livre l'autre, un heureux transfert de Rome à Bruxelles, on nous confie aussi que mentula (la queue) signifie « la frotteuse » (contrairement à ce qu'un illustre Flamand, convaincu qu'Adam et Eve s'exprimaient dans la langue de Vondel, prétendait : mentula dériverait de man, of course !), et que les mâles Romains préféraient la plattebeust (poitrine plate) à la me têt (femme-nichon), le tettegarâch (soutien-gorge) ne soutenant rien du tout, seulement destiné à aplatir les formes. Notre guide bruxellisant s'appelle Georges Lebouc, par ailleurs italianisant et hispanisant. Il s'insurge coquettement, ça et là, contre la connotation salace attachée à son patronyme ; qu'il se console en sachant que, Romain, il se serait prénommé Titus, du nom du pigeon ramier réputé pour son appétit sexuel. C'eût été injuste pour un linguiste tendre mais haut en couleurs qui, avant de plonger in médias res et d'explorer ce qui se passe sous la ceinture, compose un guide du routard amoureux à Bruxelles : comment faire sa cour dans les allées du bois de la Cambre ; comment, après avoir dégusté des caricoles (que l'auteur traduit « bigorneaux » ; mais ne sont-ce pas là des buccins, du nom des trompettes... romaines ?), inviter sa belle dans un dancing (mais attention : pas de froecheldans !) de la rue Haute ; comment conduire ses fiançailles — mode d'emploi assuré grâce à deux petits lexiques franco-bruxellois et bruxellois-français.
Pol Charles