Cécile MIGUEL
Le livre des déambulations
Amay
L'arbre à paroles
1993
100 p.
Si le sens est grimé...
Qu'elle enthousiasme ou qu'elle irrite, l'œuvre de Cécile Miguel invite manifestement à la prise de position. De l'irritation ? Il en naît, c'est vrai, à la faveur de certaines recherches formelles que ne paraît soutenir aucune nécessité, et que ne justifie aucun effet de sens. Dans Le livre des déambulations, l'écrivaine multiplie les jeux graphiques en alternant, de poème en poème, les caractères normalisés, gras et italiques, sans autre résultat qu'une focalisation stérile du lecteur sur la plastique du texte. Aléatoire et répétitive, l'expérience paraît insignifiante à plus d'un titre. Elle pourrait impardonnablement éloigner de ce qui fonde notre intérêt pour la poésie de l'auteure. Car Cécile Miguel fait montre fréquemment d'un art pleinement maîtrisé du récit-poème. Par flashes hallucinés, par flots succincts de propos irréels ou ostensiblement incongrus, elle se construit un imaginaire en lambeaux, qui recèle sa cohérence propre et, parfois, ses purs joyaux :
au pays du samovar ailé
l'âme en désordre aime hanter
Les pages ne manquent pas où se découvre cette « conque emplie de mots marins »— ces formules inouïes que l'on aime à se rappeler. Mais il reste à regretter que cette quête chamarrée d'un espace mythique fragmenté, que cette tentative à laquelle je m'attache infiniment, il est toujours aisé de m'en distraire. Si le sens est grimé...
Laurent ROBERT