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Critiques de livres

Huguette de Broqueville
Lydia, l'éclat de l'inachevé
Paris
Michel de Maule
211 p.

Ultimes questions
par Thérèse Allard
Le Carnet et les Instants n° 149

À l'aube de ses cent ans, Lydia s'interroge sur sa vie, sur sa mort. Lydia, l'éclat de l'inachevé, le dernier roman de Huguette de Broqueville, propose, en effet, une réflexion sur la mort et parce que «la mort est une question vitale», et que ne sachant de quoi elle est faite, en parler, c'est parler aussi et surtout de la vie, de ce qu'elle fut. Lydia a vécu trois guerres : celle de 14-18, la seconde guerre mondiale, et au moment où sa vie ne tient plus qu'à un rien, la guerre des Balkans qu'elle parvient encore à capter grâce au regard de ses enfants et petits-enfants.

La construction du roman est basée sur un aller et retour entre le passé de Lydia et son grand âge. Dans ce voyage du souvenir, elle est accompagnée par Julie, son arrière-petite-fille. Celle-ci questionne son aïeule : c'est quoi être mort? C'est quoi la jouissance? C'est quoi les Allemands? C'est quoi la Résistance? Toutes ces questions plongent Lydia dans un passé où elle était si pleine de vie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle était chef de secteur d'un réseau de Résistance. Alors qu'elle était mariée et mère de cinq enfants, elle a aidé les Alliés à freiner la capacité de production de bombes et de missiles allemands. En vélo, elle a sillonné la Belgique pour apporter des renseignements à ses contacts.

Avec Julie, Lydia revit sa vie, la reconstruit. Toutes ces routes à vélo n'étaient pas sûres. Mais devant le danger d'une arrestation, des bombardements, elle apparaît comme une femme forte sur qui on peut compter, qui choisit de s'engager même au péril de sa vie. Et maintenant, à près de cent ans, Lydia craint inévitablement l'avenir qui s'annonce. C'est la même femme pourtant, mais l'une a agi par devoir pendant la guerre et l'autre regrette tout ce qu'elle n'a pas entrepris après la guerre. Allongée sur son lit, elle a l'impression qu'elle n'a pas vécu.

Si les questions de Julie trouvent une réponse dans les souvenirs de Lydia, les questions de Lydia, elles ne trouvent pas de réponse. «Pourquoi mourir? Qu'ai-je fait de ma vie? S'il n'y a rien, qu'est-ce que je deviendrai moi? Ai-je fait tout ce qu j'ai pu?»

Bien sûr, Julie n'est pas seule, sa mère, sa grand-mère, la fille de Lydia et d'autres personnages familiaux occupent l'espace de la narration. Il y a des paroles qui n'ont jamais été prononcées par la mère et que la fille avait besoin d'entendre. Lydia, l'éclat de l'inachevé? Parce que Lydia «toujours cherchait le parfait sans jamais l'atteindre».

Le roman d'Huguette de Broqueville nous propose une série de questionnements d'ordre philosophique sur l'existence, les regrets, sur la vieillesse, sur la mort, sur l'existence ou la non-existence de Dieu, sur le désir d'immortalité. Il nous fait vivre d'une manière originale et vivante la guerre appréhendée dans son quotidien : une petite histoire de la guerre et de la Résistance, celle qu'on n'étudie pas dans les grands livres d'histoire. Ce faisant, l'auteur nous livre une mine d'informations relatives à la Résistance en Belgique et à la retraite des Allemands au jour le jour, heure par heure. Tout cela n'est pas rien.