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Critiques de livres

Daniel SIMON
Dans le parc
Bruxelles
M.E.O.
2010
149 p.
16 €

Instants fragiles
par Francine Ghysen
Le Carnet et les Instants N°166

« Ce ne sont parfois que des larmes que l’on cache dans des flux de paroles et qui logent si longtemps dans le vide à remplir, ce ne sont que ces choses soudaines qui relèvent le jour accroupi sous la langue, ce ne sont que des poses parfois si étrangères aux muscles et aux os qui tendent des arcades avant de s’effondrer dans les poussières du vocabulaire, ce ne sont, dites-moi, que des lumières qui passent en traînant dans la sombre chambre des mémoires, ces larmes qui vous viennent un jour. »
Larmes invisibles, connivences furtives, émotions légères, aspirations rêveuses, nostalgies floues : c’est un recueil d’impressions que nous propose Daniel Simon, sous le titre Dans le parc.
Mouvements du cœur, parfois si ténus que la plume, à vouloir les capter, n’en garde que le reflet. Avec, au détour d’une page, un petit tableau d’une précision presque douloureuse. « Elle a posé ses mains sur le front de cet homme appuyé au banc dans l’ombre des arbres de l’allée, des oiseaux se sont envolés de ses yeux fatigués. Dans le silence de cet effleurement ont disparu les portes qui n’ouvrent plus sur rien, les matins qui se brouillent encore de nuit, les raideurs toutes occupées à croire, les espérances vendues à la sauvette, les enfances déliées dans des corps de vieillards. Elle a posé ses mains et un rien de vocabulaire a retrouvé sa place dans le vol des oiseaux qui reviennent. »
Auteur de théâtre (deux pièces parues chez Lansman), de poésie, de nouvelles, metteur en scène, Daniel Simon se passionne pour les ateliers d’écriture, qu’il anime depuis plus de trente ans, et auxquels il a consacré des essais. Le dernier, La troisième séance. Un atelier d’écriture en chantier, publié aux éditions Couleur livres, réunit témoignages et réflexions sur cette expérience de création collective, à chaque fois différente, même si l’idée de base est toujours : écouter et reconnaître les participants, les aider à faire émerger ce qui est enfoui en eux, à lui donner forme ; à construire ensemble un projet vivant. « Ces échanges ont marqué ma vie, littéralement. »
Il joue ici, avec un bonheur inégal, sur la gamme des instants saisis au vol, des espoirs entrevus, des secrets devinés. Du poème en prose, sensible et court, « le bref est une éternité posée sur une lame ».