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Critiques de livres


Jean-Luc FONCK
Histoires à délire debout
Bruxelles
Casterman
coll. C'est pour offrir
2003
188 p.

Off

Je m'attendais à passer un bon moment en ouvrant le recueil d'histoires du chanteur de Sttellla dont j'aime le trai­tement débridé qu'il impose à la langue pour en tirer humour et poésie, d'autant plus que le livre était annoncé comme rele­vant de la même veine, un prolongement en voix off pour lecture silencieuse. De fait, dès les premières lignes, les jeux de mots se télescopent à un rythme accéléré (on doit en rater !) au risque, évidemment, de quelques répétitions malvenues (un livre n'est pas une chanson...). Le délire affiché en titre est bien présent aussi : les tables de nuit ont le sommeil lourd à cause du nombre de somnifères qu'on y dépose, les escaliers parlent et certains jeunes écoutent de la musique autour d'un chêne hi-fi quand d'autres n'ont Qu’une vieille platane. Jusqu'ici, rien qu'un esprit jubilatoire et une détonante manière d'animer le monde. Très vite, cependant, on s'aperçoit que cette virtuosité pour le jeu de mots ne masque que difficilement une absence de style sou­tenu et, si on accepte volontiers d'être en­traîné dans un monde loufoque, on ne suit toutefois plus le mouvement quand ce jeu pour le jeu devient purement gratuit. Dans ces Histoires à délire debout, nous ne som­mes ni en terre surréaliste ni en un pays des merveilles proche d'Alice mais dans un monde qui, au-delà de quelques bons gags, relève avant tout de l'incohérence. Et je n'ai jamais aimé que l'on prenne le lecteur en otage d'une affirmation pour lui en asséner une contraire deux pages plus loin, même au prétexte de faire un bon mot ; peu m'im­porte le sujet, aussi farfelu soit-il, son écriture doit être cohérente. Prétendre ignorer tout d'une personne que l'on revoit ou d'une ville dans laquelle on a vécu est un peu facile en prévision de rebondissements inattendus !

Je m'en voudrais de ne pas dire que Jean-Luc Fonck fait preuve d'une belle inventi­vité (irrespectueuse, parfois, ce qui ne fait pas de tort) mais il n'arrive à l'exprimer que sous forme de petits sketches, internes à ses histoires, qui sont tous coulés au même moule. Celui qui s'aventurera dans ce livre constatera néanmoins que l'inspiration s'es­souffle à grande vitesse et que, quand le livre se termine, on se dit qu'il était temps. Reste encore ceci : en toile de fond, il n'y a, ici, que massacres, assassinats ou accidents irresponsables... On peut sans doute rire de tout mais l'humour n'a pas tous les droits et il me semble un peu léger de dépecer, pour rire, une jeune femme dont le seul tort était de vouloir avoir des amis. Du divertisse­ment à la barbarie, il n'y a qu'un pas, allè­grement franchi.

Il faut ajouter que le livre est agrémenté de photographies (qui n'ont rien à voir avec le texte) associées à un jeu de mots. Produit formaté pour les fêtes (hélas passées) par le très médiatisé Jean-Luc Fonck et ses amis ? Sans doute, mais, tant qu'à faire, l'éditeur aurait pu créditer les illustrations ou limiter le nombre de coquilles. Drôle peut-être, mais décevant.

Jack Keguenne