pdl

Critiques de livres


Pascal Leclercq
Variations sur un visage
ill. d'Olivier Sonck
Noville-sur-Mehaigne
Esperluète éditions
2005
48 p.

Visages (parfois masqués)
par Jack Keguenne
Le Carnet et les Instants n° 140

Les lecteurs du Carnet les Instants connaissent Pascal Leclercq puisqu'il en a été, jusqu'à récemment, un des collaborateurs. Ce qu'on sait peut-être moins bien de ce philosophe de formation, c'est qu'il est aussi un «jeune» poète qui, sans tapage mais avec talent, construit une œuvre qui mérite toute notre attention. D'autant plus que ce travail vient de s'augmenter de deux recueils qui apparaissent, avant même qu'on ne prenne connaissance du texte, comme de superbes réalisations. L'un sort de L'Esperluète, dont on sait avec quels soins les livres y sont conçus; l'autre de L'idée bleue et s4il s'adresse plutôt aux enfants, rien n'interdit aux «grands» de le lire et d'y trouver bien du plaisir.

Dans les Variations sur un visage, le poète arrive «avec pour tout bagage un muscle rouge» pour dire le visage – et le corps – d'une amoureuse ou, plus précisément de quelqu'une qui attend d'être contemplée, décrite, caressée, mise à l'écart, oubliée puis retrouvée, redécouverte par les yeux et dans les bras. Pendant ce temps, la pluie tombe parfois, le fleuve s'écoule, la ville bat son rythme qui emporte les corps, distrait. Et l'autre, fût-elle proche, demeure étrangère, presque inabordable. Le temps qui passe bat dans les flancs, dilue la vie.


Pascal Leclercq
Des garous et des loups
ill. de Christine Dècle
Chaillé-sous-les-Ormeaux
Éd. L'idée bleue
Coll. "Le farfadet bleu"
2004
48 p.

Le temps qui passe bat dans les flancs, dilue la vie. Alors le visage est repris («alors elle entre en moi / alors elle entre elle est moi / alors entre elle et moi / c'est parti»), redit avec des mots proches des anciens, mais dans de nouvelles formules, dans des variations spiralées – au fil du poème ou d'un poème à l'autre – qui repassent par les mêmes émotions, retouchent aux mêmes sentiments en glissant dans les mots une nouvelle musique. «Je reste le gardien soucieux d'un visage», mais comme ce souci d'un même visage ne peut qu'amener la répétition, Pascal Leclercq use de tournures qui, par jeux de mots ou de sons, coulissent les unes sur les autres, se désemboîtent pour s'accrocher ailleurs, rebondir. Et même si «tu fais voler ma langue en bribes», il n'y a rien d'obscur ici, ni de cassant ou d'éclaté; au contraire, il y a une clarté et une fluidité de comptines appliquée à une métaphysique d'adultes et à un visage qui gardera ses secrets pour le lecteur.

Des garous et des loups sont l'occasion de reprendre un personnage emblématique du conte (toutefois, il s'agit bien de poèmes ici) en s'en moquant tendrement de manière à calmer les craintes des enfants. Au passage, l'auteur égratigne néanmoins les croyances des adultes ou philosophe sur leur manière de se comporter. Un garou se fait teinter le poil en jaune canari, un autre joue aux dés toute la nuit, un troisième fait son baluchon et part à tout jamais… La première partie du livre est une variation sur la pomme; dans la troisième partie, un âne veut désespérément s'appeler Martin et rencontrer «l'âne sœur». Dans ce livre aux belles illustrations colorées, les mythes et préoccupations de tous âges se rencontrent en toute simplicité. «Peut-on retenir un garou / lorsqu'il a vu passer un loup?»