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Critiques de livres


HAMADI
Les fous
La Rose des Vents (avenue Cardinal Mercier, 27, 5000 Namur)
92 p.

Histoire de contes

Lire c'est aussi toucher. Bien souvent le papier est de consommation cou­rante si ce n'est dans quelques col­lections de luxe. Si ce n'est aux éditions « La Rose des Vents » qui ont arrêté leur choix sur un papier douceur pour le recueil de contes d'Hamadi, Les amants. Et pour une couverture indéchirable qui ne retient pas les marques des pliures. Le tout relié à la chinoise. Sans l'avoir lu vous devriez déjà l'aimer, ce livre. Et c'est ce que veut son au­teur. Non par narcissisme mais pour que les contes continuent leur chemin. Qu'ils continuent à être, bien au-delà de la lecture. Ils sont nés de la voix, n'existent que par elle et doivent se transmettre par elle. Pas celle de la radio, la vôtre, celle de vos en­fants, de leurs enfants... Ces contes, Hamadi en tient certains de sa mère « Khadija Farès qui les tient elle-même de sa mère Meghniyya laquelle les a entendus dans la bouche de sa mère qui elle-même... », et il en invente d'autres. Ces nouveaux-nés forment une première généra­tion qui doit encore engendrer pour exister dans la mémoire collective et être aperçue par les sept étoiles telles « des poissons brillants qui auraient vu naître tous les contes. »

Les récits d'Hamadi ont la saveur du Nord de l'Afrique, ont pour thème central l'amour et, en filigrane, le conte et sa sur­vie. Ainsi la vieille dame de l'avant-propos qui s'interroge : « Ici, mon conte prend son cours. Si chemin faisant, je perdais le fil du récit, qui d'entre vous m'épaulera ? » Et les grands et les petits réunis autour d'elle de lui répondre : « Va et n'aie crainte ! Si tu perdais ton conte, nous le retrouverions ! » Dans le livre d'Hamadi peut-être. Dans ce livre où la langue orale (qui laisse des traces dans « l'alternance narrration-dialogues » et dans la répétitivité) se fond dans une langue écrite admirable, élégante. Que l'on a peur d'abîmer quand on reprend les histoires à son compte.

Mais n'ayez crainte, Monsieur Hamadi, nous les raconterons autour de nous ces « récits d'amour et de haine ». Celui de Mounia qui transforme le dernier souffle de Latif en son tout premier. Latif : cet amant qui a payé de son corps entier pour retrou­ver Mère pluie. Celui de Mazouza pour qui l'amour a plusieurs visages. Celui de l'homme pour qui le regard de sa femme est ce qu'il a de plus précieux sur terre. Celui du fils dont le cœur balance entre une femme cruelle et une mère à l'amour plus fort que la mort. Et d'autres encore, qui mettent l'amour à mal et qui finissent bien. Et qui nous émerveillent et nous émeuvent tant qu'on ne peut s'empêcher de les racon­ter au tout-venant. Ce que voulait Hamadi, je crois : « J'espère que votre lecture fut agréable et douce. A présent, je vous sou­haite Bon Dire ! Qu'il soit à la mesure de vos rêves ! »

Michel ZUMKIR

HAMADI, Les amants, La Rose des Vents (avenue Cardinal Mercier, 27, 5000 Namur).