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Critiques de livres


Michel LAMBERT
De très petites fêlures
nouvelles
l'Age d'Homme
1987
142 p.

L'un et l'autre, plus ou moins

Après une incursion réussie du côté du roman, voici Michel Lambert revenu à la nouvelle, avec tout le talent dont il sait y faire preuve. L'écono­mie de moyens, la suggestion, la nuance ca­ractérisent ses récits, à l'instar du titre du recueil, Les Préférés. Car l'auteur n'y décrit pas l'amour dans ses aspects exaltés, mais à nouveau ces « petites fêlures » qui font que l'objet du désir n'est pas toujours en face de soi, mais légèrement à côté, décalé. Moins le foisonnement d'émotions positives qu'engendré l'élection d'un être au regard des autres que les souffrances parfois dif­fuses, les déceptions voilées qui accompa­gnent secrètement le désenchantement du laissé pour compte. Et la volonté n'y étant pas pour grand chose, ce dernier n'est pas toujours celui que l'on croit, tant l'écheveau de la vie entremêle parfois cruellement les fils de notre attente. C'est que la préférence est, par définition, une notion toute relative et porte en soi un potentiel d'ambiguïté et de déchirement. Préféré de quelqu'un ou préféré de la vie ?


Michel LAMBERT
Les Préférés
L'Atelier
Julliard
1995
174 p.

La balance oscille doulou­reusement entre ces deux pôles qui semblent ne pouvoir se rejoindre. Alors pointe la jalousie — tout au moins un sentiment de trahison comme si le destin nous devait justice de nos faiblesses. Mais il est aussi des acceptations difficiles, celles qui reconnais­sent au plus démuni sa part d'existence, sa capacité à susciter le bonheur. Or Michel Lambert excelle à rendre les tensions entre ces sentiments écartelés. Il lui suffit de cam­per brièvement un ou deux personnages, avec un peu de solitude, quelque désir, un soupçon d'amertume et la petite musique du quotidien se met à s'enrayer. Et nul ne peut prétendre y échapper : ni les frères désassortis dont l'un endure sa malchance, ni le malade en quête de la femme qui pourrait l'aider si elle n'en aimait un autre, ni le père désolé dont l'enfant lui manque, que celui-ci soit réellement absent ou sim­plement « différent », ni encore la star de ci­néma, le sportif adulé et bien d'autres. Le vide côtoie ainsi le trop plein dans un rac­courci que la nouvelle, par sa concision, rend saisissant. Il faut souligner que le ton de l'auteur garde une justesse qui jamais ne donne dans le moindre sentimentalisme. Tout ici est pudeur, l'émotion, la sensibi­lité, quoique très présentes, se contentent de mots sobres aux reliefs estompés, comme l'atmosphère de grisaille d'une ville dont le décor se devine omniprésent. Et pourtant, quelle étrange créature que l'homme avec sa soif d'affection et ses si faibles moyens !

Dominique Crahay

Michel LAMBERT, La rue qui monte, roman, L'Age d'Homme, 1992, 242 p.

Michel LAMBERT, Une vie d'oiseau, roman, Ed. de Fallois, l'Age d'Homme, 1988, 224 p.