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Critiques de livres


Yves-William DELZENNE
Les Tours de Dresde
Bruxelles
Le Cri
1994
165 p.

Un roman aux charmes désuets

Pour pénétrer dans l'univers d'Yves-William Delzenne, il nous faut quit­ter le monde de nos jours banals. L'auteur (nous pourrions, comme lui le fait pour son héros Charles-Audrey Desider, ré­péter à outrance son nom, mais nous l'évi­terons, c'est juré) nous y invite en commen­çant Les Tours de Dresde, son cinquième roman, par une entrée en matière façon lever de rideau dans un opéra de province : « En s'ouvrant, les portes du wagon à ba­gages donnèrent l'illusion d'un grondement de tonnerre... » II n'aurait pu être plus clair pour nous métamorphoser en spectateurs de son ailleurs théâtralisé où se croisent des êtres beaux comme dans des tableaux, des meubles précieux comme des antiquités, des lieux décorés comme des scènes d'opéra... le tout envoilé d'un tissu précieux et bru­meux. D'un tissu ancien. Le présent n'existe pas pour Delzenne, cet écrivain bien d'aujourd'hui mais qui le (se) fuit pour se (com)plaire dans des images précieuses empruntées à un dandysme de fin de dix-neuvième siècle. Ces images, il les dispose comme il accrocherait dans un boudoir des tableaux de petits maîtres dont nous admi­rerions la main qui les a peints mais dont nous nous demanderions où est la vie dans tout cela. Les dandies de l'autre siècle vi­vaient dans un monde qu'ils inventaient, qu'ils créaient de toute leur culture et de toute leur imagination. Ils ne pratiquaient pas le couper-coller avec le passé. Ils refu­saient la vie qui les entourait, s'imaginaient des mondes parfaits (qui s'étiolaient, la vie et la mort gagnaient toujours), et finissaient toujours par interroger le monde. Ce que ne fait absolument pas Yves-William Del­zenne puisqu'il n'a écrit qu'un roman aux charmes désuets...

Michel Zumkir