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Critiques de livres


Jean-Pierre L. COLLIGNON
Par ailleurs le cinéma m'ennuie. Chroniques radiophoniques
préface de Carmelo Virone
Editions YellowNow
1996
77 p.

Rêveries d'un cinéphile solitaire

Qui est Jean-Pierre L. Collignon ? Il fréquente les salles obscures (sin­gulièrement le Churchill, à Liège). 11 papote volontiers avec la caissière, il aime à être frôlé par l'ouvreuse du Plaza. Il fume des Boyard gros module, comme Jean-Luc Godard, ou encore des Celtique, à la Truffaut.

Deux ou trois autres choses que nous savons de Jean-Pierre L. Collignon... Il en connaît un bout sur les cafetards. Au printemps, il s'installe à une terrasse de la rue Saint-Paul, pour regarder passer les jolies Liégeoises. Il y a, dans sa cour, un anneau et un cerceau de basket, il fait des « paniers » avec le petit Antoine. Ou bien, il regarde les fourmis, il leur donne du miel.

Il dit : « Comme tout un chacun, je suis un paradoxe vivant qui se tient debout bon an, mal an ».

Il a souvent le cœur gros. Sa voix est quel­que peu éraillée (à force de Boyard ou de Celtique).

Il va à Paris rien que pour voir un certain film situationniste. Mais il rate le début du Film, et c'était une projection unique... Il se dit  « chroniqueur  mondain ». Et chaque samedi matin, la R.T.B.F. lui donne la parole, trois minutes, dans Radio Image Cinéma, l'émission de Léon Michaux. Dans ces chroniques, la vie et le cinéma s'entremêlent furieusement, et font des étincelles.

La voix de Monsieur « L » — une voix humaine par excellence — s'est fait des tas d'amis, semaine après semaine. Tous ceux-là seront heureux de retrouver ces chroniques — souvent drolatiques, par­fois graves, toujours vivantes — dans un joli petit volume bleu. Le titre n'est pas triste : Par ailleurs le cinéma m'ennuie. Et le papier n'est pas massicoté. Quelle chance ! Quel charme pour le lecteur de refaire le geste ancien ! Chaque feuillet du Cinéma m'en­nuie est comme une lettre à ouvrir. Et moi, je pourrais ouvrir une parenthèse, à la manière de Jean-Pierre L. Collignon, et vous toucher un mot du coupe-papier que je reçus le jour de ma communion solennelle... Mais n'est pas Jean-Pierre L. Collignon qui veut. Le déconnage est un art. Les chroniques choisies ici vont de janvier 1992 à décembre 1995. Elles révèlent un esprit libre, sans préjugés, une pensée en mouvement. Collignon nous dit ses goûts et des dégoûts de spectateur, et puis ses gamberges de type des années 90, une fois que le retour à la vie quotidienne lui a coupé ses ailes de cinéphile. Il se souvient d'un cinéma de quartier, avec son balcon, où les filles allaient s'installer, au début de la séance. « C'étaient des gamines encore... » Pour Jean-Pierre, un mercredi après-midi, il y eut un baiser rêvé, imminent, et raté. Le chroniqueur se pose une question : « Maintenant qu'il n'y a plus de cinémas de quartier, les p'tits jeunes, quand ils vont au cinéma, ils regardent le film ? »

Bernard Gheur