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Critiques de livres


Françoise HOUDART
Quatre variations sur une fugue
Luce Wilquin
1995
128 p.

Un chemin vers nulle part

Certes, dans un roman, les person­nages, les confrontations et les si­tuations dans lesquelles l'auteur les immerge ont une grande importance. En­core faut-il que l'auteur puisse y jouer d'une langue qui lui permette de transcender leur excès éventuel de rigidité. Or, cette langue-là fait défaut à ces Quatre variations sur une fugue.

D'autant plus que les personnages que Françoise Houdart fait rencontrer à Simon, son antihéros, sont quelque peu hiératiques et les situations qu'elle lui fait traverser un peu trop attendues. Car ne peut-on pas s'at­tendre à ce que, dans sa dérive vers nulle part, Simon croise un clochard encore plus paumé que lui, une prostituée ressemblant, à ses yeux, à la femme qu'il aime et une Noire bien entendu consolatrice, sensuelle et nature ?

D'autant plus que le texte se présente lui-même comme une plongée dans « toutes les facettes, toutes les émotions, toutes les vies et les morts suscitées, rencontrées, partagées ou vécues d'une journée de chair offerte à un fantôme », alors qu'au bout du compte, Françoise Houdart, trop occupée à réussir techniquement son roman, n'a pas osé prendre le risque d'un tel festival des sens et de la langue.

Littéralement, en effet, elle sera restée trop collée à son histoire. Celle d'une narratrice-lectrice que la passion du livre amène à dé­couvrir « entre les pages 94 et 95 de Splen­deurs et Misères des courtisanes, à l'orée même du chapitre Où la passion conduit », une lettre anonyme et parfaitement cache­tée. Narratrice qui se passionne pour le drame que lui révèle cette lettre au point de vouloir reconstituer minutieusement, à partir des bribes qu'elle en sait, une histoire probable de l'amour que porte Simon à la rédactrice inconnue de la lettre. Car finalement, c'est au fait qu'il est essen­tiel de raconter une histoire pour exister que la passion aura conduit Françoise Hou­dart. N'avait-on pas été prévenu ? « Etre (...) n'est peut-être qu'une question de compréhension. De préhension », écrit-elle. Etre sera donc ici saisir, s'approprier par l'écrit ce qu'on ne comprend d'abord pas : la fuite de Simon. En quatre mouvements. Quatre variations. Encore s'agit-il moins ici de mettre à découvert, par Y analyse qu'in­duit tout travail d'écriture, l'intériorité d'un homme que de répondre à une série de questions : pourquoi, le jour de ses 50 ans, Simon a-t-il donné rendez-vous à cette femme dans un petit hôtel parisien ? Pour­quoi l'a-t-il délaissée à nouveau sans l'avoir touchée, comme il l'avait déjà fait trente ans auparavant ? Pourquoi Simon est-il si bouleversé qu'il doive toujours fuir la femme qu'il aime ? Est-il à ce point prison­nier de lui-même et de ses fantômes ?

Vincent Tholomé