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Critiques de livres


André-Marcel ADAMEK
Retour au village d'hiver
Bruxelles
Editions Labor
coll. Zone J
2002
144 p.

Adamek, fidèle à lui-même

André-Marcel Adamek est un auteur qui a du métier. Il ne révolutionnera pas l'histoire du roman, mais ses ré­cits solidement charpentés, aux personnages forts, se lisent au minimum sans déplaisir — et probablement n'est-ce pas si fréquent. Si Adamek a le mérite de ne pas ennuyer, c'est peut-être qu'il aime les héros — des êtres en quête d'eux-mêmes, qui veulent accomplir seuls le chemin vers leur identité, leur passé, leur famille, ou vers une vérité qui les aide­rait simplement à vivre ou à survivre ; des individus qui ne craignent pas de s'établir dans la marge car leur répugnent le confor­misme et la facilité. Son dernier roman, Re­tour au village d'hiver, s'inscrit clairement dans cette veine et séduira le pu­blic adolescent auquel il est plus particulièrement destiné. Gilles Barnier n'a pas connu son père, Jean-Baptiste, disparu lors d'une randonnée en montagne alors que son fils n'était âgé que de deux ans. Durant toute son en­fance, il n'a cessé de rêver à ce père absent, dont il ne sait rien de précis, hormis qu'il fabriquait des violons miniatures et qu'il aimait l'hiver et la tranquillité — hormis encore, peut-être l'es­sentiel, que les portraits de lui ne le montraient pas, qu'il y ap­paraissait « le regard obturé par un battement de cil ou le visage baigné d'une lumière floue ». Après sa disparition, la mère de Gilles s'est installée en ville et, dix ans plus tard, a épousé Mar­tin, un architecte qui fait, pour le jeune garçon, figure d'intrus, d'ennemi, d'homme avec lequel aucune conciliation n'est possible. Aussi Gilles vit-il une adolescence émaillée de conflits, qu'éclaire seule la présence de Florianne, la fille de Martin, qui deviendra peu à peu une confidente, une amie. A l'approche des dix-huit ans, et alors que sa mère vient de mou­rir, Gilles décide de passer la Noël à Valdaine, le village montagnard où ses parents séjournaient l'hiver, et d'enquêter sur son père inconnu. D'une rencontre à l'autre, il appréhendera une réalité assez différente de celle qui avait nourri ses songes d'enfant et d'adolescent. Il fera aussi la connaissance de Nora, la fille des aubergistes de Valdaine. Celle-ci fournit à l'écrivain la possibilité de composer un beau personnage de déclassé, qui est à la fois toute laideur et toute beauté, et qui charmera Gilles par sa douceur, sa discrétion bienveillante : « Elle avait surgi d'on ne sait où pour lui demander, d'une voix claire et mélodieuse, s'il souhaitait du café, du thé ou du chocolat. Il leva les yeux sur elle et demeura un instant stupéfait. Il Une sorte de naevus géant lui couvrait la moitié droite du visage, s'étendait en une boursouflure noirâtre entre l'œil et la commissure des lèvres. Son pro­fil gauche, d'une beauté bouleversante, ne pou­vait atténuer l'effet saisissant de cette dis­grâce. » Gilles pourra-t-il quelque chose pour Nora ? Découvrira-t-il ce qui est ad­venu à son père ? Qui l'aidera, de façon décisive, dans sa quête ? Laure, la bibliothé­caire ? Grégoire, le berger ? Ou le journaliste local, M. Monge ? C'est ce que le lecteur ap­prendra au terme d'une intrigue dont le dénouement n'offre guère de surprise. Par ailleurs, la psycho­logie des personnages se montre parfois fort rudimentaire, et la motivation de leurs actes reste vague. En outre, la plupart des adjuvants que l'auteur de La fête interdite place sur la route de Gilles sont des solitaires, qui ont choisi de demeurer en re­trait du monde — ce qui tend à faire de la solitude des protago­nistes un tic de narration parmi d'autres. S'il constitue néan­moins un roman initiatique d'honnête facture, Retour au vil­lage d'hiver me laisse donc un peu sur ma faim.

Laurent Robert