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Critiques de livres

André Sempoux
Italie, poussière de temps
Avin
Éd. Luce Wilquin
coll. Luciole
2004
64 p.

Miniatures d'Italie
par Jack Keguenne
Le Carnet et les Instants n° 146

Il y a deux ans, André Sempoux publiait Italie, poussière de temps, un recueil de textes courts – certains relevant de la nouvelle, d'autres quasiment du poème en prose – au centre desquels il plaçait sa passion de toujours, l'Italie, avec la richesse de son histoire, de ses paysages, de ses personnages, abordée à touches impressionnistes par le biais d'un tableau, d'un portrait ou d'un moment d'une vie, parfois lointaine. Le lecteur se promenait ainsi à Ferrare (ou s'attablait à La Fleur en papier doré pour préparer le voyage), par la grâce d'une exposition au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, se retrouvait parmi les d'Este, au XVIe siècle, ou partageait un bref instant la vie de Tiepolo. En somme, Sempoux s'y livrait tel qu'en lui-même, entre un quotidien bruxellois et un esprit toujours porté vers l'Adriatique, émerveillé, délicat, attentif, imaginant, au détour d'une ruelle, de quel coup de dague ou de quel baiser volé elle a été le témoin – à moins que, tranquille, elle n'ait traversé les époques pour séduire encore aujourd'hui.

Dans la même veine et la même collection, il publie aujourd'hui Le Blues du train de nuit dont le ton me paraît toutefois, selon les textes, plus nostalgique ou plus réaliste. L'Italie s'impose toujours en toile de fond, mais ce n'est parfois qu'un petit bout du décor ou un écho lointain, le pays d'origine d'une carte postale annuelle ou celui pour lequel on rêve d'un départ.

André Sempoux
Le Blues du train de nuit
Avin
Éd. Luce Wilquin
coll. Luciole
2006
86 p.

Il y a ainsi de la nostalgie à se souvenir de ces trains qu'on voyait au soir traverser nos faubourgs, emportant des voyageurs qui, le lendemain, s'éparpilleraient dans Florence ou dans Rome. Une fidélité au passé aussi dans cette évocation de l'ami, le graveur René Carcan, dont un lointain ancêtre – Carcano – a traversé les Alpes à la fin du XVe siècle. Ou encore un retour sur soi dans une nouvelle qui, en modifiant quelque peu son esprit, revisite et schématise les principaux épisodes de son roman Torquato, l'ami d'un autre temps. Réaliste quand il évoque les sentiments d'un prêtre défroqué ou raconte le jeune Angelo qui, fuyant le fascisme, viendra travailler dans une usine d'armement des bords de Meuse bientôt réquisitionnée par les nazis. Ou encore quand il décrit le destin d'une belle enluminure qui, parce que devenue de plus en plus précieuse, se retrouve confinée, enfermée dans un coffre, et plus jamais exposée… «Il y avait peut-être plusieurs vies dans une vie», écrit Sempoux, avec cette réserve du peut-être qui semble ouvrir des horizons, mais vient comme un coin bloquer le jeu entre la réalité et le songe. Le talent de Sempoux est de nous faire accepter cette possibilité de multiplier les vies, de laisser à ses personnages la liberté de s'imaginer autres puisque chaque instant surgit comme une nouvelle surprise. Complices, l'auteur et le lecteur se partagent dans la fiction des vies par procuration dont chacun sait qu'elles ne seront sans doute ni plus douces ni mieux réussies.