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Critiques de livres

Isabelle Spaak
Pas du tout mon genre
Éd. des Équateurs
2006
140 p.

Adultère, mode d'emploi
par Michel Zumkir
Le Carnet et les Instants n° 144

On pouvait se demander ce qu'écrirait Isabelle Spaak après Ça ne se fait pas, son premier roman paru en 2004, qui a obtenu le succès critique, public et le Prix Rossel. On se souvient qu'elle y racontait non seulement l'histoire réelle et tragique de ses parents mais aussi ses répercutions dans la vie des survivants. Elle disait l'épreuve d'être fille de ce drame-là – une épouse trompée qui tue son mari et se suicide ensuite. La force de ce livre venait avant tout de l'écriture mise en branle pour transformer le vécu en littérature : une écriture fragmentaire, concise et précise, débarrassée de tout pathos.

Cette écriture, on la retrouve dans Pas du tout mon genre, un roman de la même veine autobiographique. Comme il n'est pas facile d'être le deuxième, dans la vie comme en littérature ainsi que l'écrit l'auteure – elle qui se sent seconde fille et second violon, de second choix pour le dire encore autrement – elle l'a peaufiné avec la même exigence que le premier. S'il est moins épais, il est tout aussi dense et garde cette qualité de ne pas tout dire. De laisser en suspens, d'offrir au lecteur la possibilité de ressentir les conséquences des situations et des phrases qui les disent.

Même si le roman commence par une scène de vacances filmée par le père, il ne faut pas s'y tromper, cette histoire-là ne sera pas racontée une fois encore, mais elle ne sera pas absente non plus; cette fois, elle sera une des pierres d'achoppement sur lesquelles l'écrivaine viendra buter, rebondir.

Le récit générateur du roman est celui d'une liaison adultère où Isabelle Spaak avait la position de maîtresse, de femme illégitime, où elle était la seconde épouse, comme elle dit. D'un homme qui n'est pas du tout son genre (d'où le titre, au moins en partie). Elle en raconte les douleurs, les rancœurs, les instants bâclés, les rendez-vous manqués. Elle met dans la clarté de la page blanche ce qui se vit dans l'ombre, elle écrit au grand jour ce qui se dit à mots couverts. Comme dans Ça ne se fait pas, la romancière n'en reste pas à l'histoire matricielle. Pour ce roman-ci, ce ne sont pas tant les conséquences qu'elle creuse que l'origine, les origines qu'elle recherche. Peut-être parce que cet amant aimé est obsédé de photographies, elle replonge dans les albums et les films de famille. Alors des souvenirs d'enfance, de vacances (les vacances : ce qui est presque toujours refusé aux femmes illégitimes) reviennent, avec parfois une nouvelle connaissance de ce qui a été vécu. Un décalage s'opère : on comprend que la manière qu'a l'écrivaine de vivre l'amour est engendrée non seulement par la tragédie familiale mais aussi par la coupure nette qui a été opérée dans la relation fusionnelle qu'elle entretenait avec sa nurse. Mais puisque la littérature permet ce que parfois la vie refuse, espérons que grâce à elle, Isabelle Spaak trouve enfin sa véritable place, une place de premier choix.