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Critiques de livres

Yves Wellens
D'outre-Belgique
Bruxelles
Le Grand Miroir
2007
134 p.

Out of Belgica
par Ninon Darcole
Le Carnet et les Instants n° 149

Yves Wellens publie aux éditions Le Grand Miroir son quatrième opus, un recueil de huit récits intitulé D'outre-Belgique. Il faut lire d'outre-Belgique comme on lirait bien évidemment d'outre-tombe : ces huit récits de fiction abordent un même sujet, la disparition de la Belgique. Sortie de presse : juin 2007. Inutile de dire que l'écrivain voit juste et que ces récits sont terriblement d'actualité quand on sait, cinq mois plus tard, avec quels tourments les politiciens victorieux aux élections essaient de construire infructueusement le désormais mythique gouvernement de «l'orange bleue».

S'il brode autour d'un même «motif» littéraire, Wellens joue avec différents genres : enquête policière, journalistique, chronique d'une exposition, ex-posé scientifique, jusqu'à la mise en abyme de son propre parcours à la recherche de son manuscrit disparu…

Certains récits happent le lecteur pour le mener à la poursuite du héros, tels «L'ambulant» ou «Le cordon rompu». On sent alors la grande maîtrise de l'auteur, sa capacité à se jouer des mots, à construire un suspense. On voit vivre Land et ses inspecteurs, Ann et son rédacteur en chef, le juge Morel et ses collaborateurs... Certaines histoires intriguent le lecteur par les aspects changeants d'une réalité fuyante, aussi mobile que les frontières linguistiques. Plusieurs récits décrivent à petits traits vitriolés les travers de nos éternelles disputes entre Wallons et Flamands, les dérives ubuesques de notre politique ou l'écheveau incompréhensible de nos institutions. D'autres fictions sont tellement «prises» dans l'esprit belgicain qu'un lecteur d'outre-Quiévrain pourrait avoir bien du mal à s'y retrouver, sauf à y détecter, en gros, un certain «surréalisme» typiquement belge. Décode-t-on partout ce que sont le VB, la Monnaie, Jean-Louis Lippert, le PB A? Probablement l'auteur a-t-il voulu perdre son lecteur dans le dédale des mots à l'image d'un pays où l'on s'égare dans le labyrinthe institutionnel mais où l'on sait aussi jouer d'une certaine ironie et où l'autodérision n'est pas un vain mot… Faire appel à James Ensor, avec un détail de L'entrée du Christ à Bruxelles, pour la couverture situe tout à fait le projet. Jouer en écho avec une exposition où l'on détourne l'œuvre de l'Ostendais dans une parodie équivoque correspond également à l'esprit de cette vaste broderie sur la Belgique.

Ce grand puzzle en huit tableaux, très bien construit par Wellens, est en fait un labyrinthe kafkaïen où, à chaque pas, la Belgique se perd, par bêtise, par rouerie ou catastrophe, choisissez votre fil d'Ariane…