pdl

Critiques de livres


Isabelle Wéry
Monsieur René
Éd. Labor
Coll. "Grand espace Nord"
Loverval
2006
160 pages

Théâtre d'ombres
par Jack Keguenne
Le Carnet et les Instants n° 142

Monsieur René, alias R. H., c'est-à-dire René Hinaux, a demandé à la jeune et impétueuse Mademoiselle Riri d'écrire un livre sur lui. Pourquoi un livre? Peu importe (dommage!). Mais voilà Mademoiselle Riri saisie d'une trouille d'enfer et du désir de partir à l'assaut de l'œuvre. Songez donc, Monsieur René! Cette haute figure des planches, ce grand homme de théâtre – enfin, restons quand même dans le théâtre francophone belge où, même avec des noms légèrement tronqués, tout le monde est reconnaissable… Puisque Monsieur René l'a demandé, Mademoiselle Riri se sent adoubée et, armée du courage de sa candeur, s'en va, chez Tropiques, acheter le kit-bag de l'écrivain dans lequel elle va puiser sa verve et son énergie et, hop!, au travail, même si l'Allemand du Mokakafé semble un peu contrariant.

Un livre s'écrit donc sur Monsieur René, livre dans lequel Monsieur René est essentiellement introuvable ou absent, non sans une certaine goujaterie, d'ailleurs. Tant pis pour ceux qui voulaient apprendre à le connaître. La seule chose que l'on découvrira, mais il faudra 4 pages pour en avoir la confirmation, c'est qu'il aime les œufs – désolé d'avoir trahi le scoop. Par contre, Riri se fait nettement plus prolixe quand il s'agit de parler d'elle et, surtout, de sexe (le sien, pas celui de R. H.); rien de malsain – si, si, on veut bien lire des histoires d'amour –, mais, en regard du nombre de pages, la dose n'a rien d'homéopathique.

Après quoi court donc Riri? La gloire, l'admiration, l'amour? Un panaché de tout cela sans doute, mêlé d'autres ingrédients plus subtils que son extraversion l'empêche de bien doser et qu'elle étale en vrac, fébrile devant les vingt-huit lettres de l'alphabet [sic]. Riri écrit avec une ardeur de sauvageonne qui poserait ses pas dans une bohème rimbaldienne, version XXIe siècle, celle qui a lu Verheggen et emprunte des BM double V. A quoi arrive finalement Riri? A découvrir comme une féerie la mise en scène de son rêve et à rencontrer l'amour normal, sans artifices théâtraux. Et à terminer ainsi son histoire.

Isabelle Wéry donne un livre tonique et, somme toute, pas désagréable à lire. Mais il faut bien dire qu'elle en fait un hybride de poésie vocale, de saynètes gesticulantes, de prose autobiographique et de quête du Graal dans des registres, je cite dans le désordre, sophistiqué ou léger, cultivé ou bredouillant, épuré ou profus. Elle se joue en Mademoiselle Riri à la ville comme, sans doute, elle endosserait un rôle en scène, mais elle n'arrive pas à traiter son double romanesque aussi sûrement qu'elle enfile un costume dans une loge. S'il y a une magie du théâtre, il ne suffit pas de paraître pour qu'elle agisse.

Lever de rideau sur une voix séduisante qui devrait s'attacher à prendre corps plutôt qu'à vénérer des ombres.