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Critiques de livres


Laurence VIELLE
Zébuth ou l'Histoire Ceinte
illustrations de Claude Panier
Editions de l'Ambedui
collection du lendit
1997
69 p.

Z comme...

Voici des visions de cités labyrinthiques enfouies au plus profond de notre mémoire, des images surgies de la peinture, celle de Dali, de Bosch. Voici un hors champ de Magritte, voici l'univers de Schuiten, celui de M.C. Escher où les escaliers se montent, se descendent, éternellement.

Là, perdu dans ce fouillis d'images, cet entrelac de mots, erre une créature proche de celles de Kafka, proche de celles de Bacon. Z comme Zébuth, ni Zorro, ni Zorglub, mais mi-homme, pitoyable d'errances in­comprises, mi-diable qui cherche sans le sa­voir sa moitié perdue, et — même — un ailleurs édénique dont il entrevoit l'exis­tence. Etre monstrueux et fragile, à la recherche de son identité, il parcourt les couloirs infinis des étages sans âme de la Tour à la recherche des Fenêtres. Fenêtre sur cour, fenêtre sur ciel, qu'il est interdit d'ouvrir.

Le voyage commence parce qu'un jour, hé­sitant à acheter un couteau pour se donner la mort, il a, en fait, décidé de vivre. Il l'a écrit sur la page blanche de son carnet. Voyager est nécessaire parce que Bel, l'être qu'il aime, emportée au loin par l'aéro­plane, n'a pas voulu rester à ses côtés. Parce que sa mère est absente et qu'il a perdu les clefs de la maison. Parce qu'il est perdu et que personne ne s'en inquiète. Parce qu'il tâte le goût de la mort et que cela lui donne envie de vivre. De trouver enfin ces Fe­nêtres qui ouvrent sur l'Infini. On sait qu'il étudie depuis longtemps — secrètement, pensait-il naïvement — les plans de la Tour pour y déceler l'emplace­ment des Fenêtres. On lui confie Aima, pe­tite chose dispersée et flasque qu'il lui faut nourrir d'économie et d'histoire, de langue et de géographie, de mathématiques et de littérature...

Voyages dantesques, voyages candides, les étapes se suivent mais se ressemblent-elles ?

Zébuth ou l'Histoire Ceinte racontée par Laurence Vielle et illustrée par Claude Pa­nier suscite de tels paysages imaginaires, vibrant de toujours et de jamais, à' ici et de nulle part. Poème ou récit, récit-poème, la langue se prend à son propre jeu et s'offre le plaisir des mots-références, des détour­nements de sens, des allusions légères et troubles à l'histoire sainte noyée dans un magma noir et cruel qui bouleverse les souvenirs-chromos un instant ravivés. Le voyage de Laurence Vielle s'effectue aux côtés de Claude Panier, sans que l'univers fantasque et fantastique de l'une ait prise sur les dessins sobres et énigmatiques de l'autre. Deux démarches parallèles sans concessions : c'est l'option des Editions de l'Ambedui où un écrivain et un peintre, un poète et un graphiste font « ambedui » un livre. Ensemble, ni paire, ni couple, chacun gardant son individualité. Zébuth est publié dans la Collection du lendit : la foire du lendit, dans la plaine de Saint Denis, pen­dant tout le Moyen âge, était celle ou les poètes s'échangeaient leurs manuscrits, où les ménestrels copiaient leurs œuvres, un lieu d'échanges et de partage des univers imaginaires. Un esprit qui sans nul doute se retrouve ici...

Winnie d'Arcole